Il ne fait plus guère de doute aujourd’hui que le changement climatique constitue le défi majeur du xxie siècle. Les prévisions des climatologues se sont brutalement assombries : en quelques années à peine, le réchauffement a été plus rapide, et ses manifestations géophysiques plus graves que ce que les scientifiques prévoyaient il y a encore 10 ans. Les dernières images satellitaires de la fonte des glaces arctiques ont eu raison (ou presque) des irréductibles sceptiques ; avec elles, les polémiques d’arrière-garde sur la réalité et l’origine humaine du réchauffement s’éteignent enfin. Une seule question demeure : que faire ?

Exclue du terrain scientifique devant l’évidence spectaculaire et de plus en plus médiatisée des faits, l’idéologie ressurgit dans les discussions sur la stratégie à adopter. Comme l’avait bien dit Al Gore dans le film de Davis Guggenheim, le réchauffement n’a en effet jamais cessé d’être « une vérité qui dérange ». Il contrarie les intérêts de toutes les industries fortement émettrices de CO2, mais aussi les fanatiques du marché, car les solutions ne peuvent qu’être impulsées par l’État : aucune force endogène au capitalisme ne pousse les acteurs privés à réduire spontanément leurs émissions de gaz à effet de serre. D’où les débats parfois surréalistes – surtout aux États-Unis – sur l’urgence de ne rien faire, de ne pas « sacrifier » nos économies déjà exsangues pour le bien-être des générations futures, ou de n’intervenir que très progressivement. Mais c’est aussi, parfois, une « vérité qui arrange » : les mouvements décroissantistes font leur miel du changement climatique pour promouvoir leur dogme de régression économique et technologique.

Comment y voir plus clair? Comment faire le tri entre les arguments des lobbys et sectes de tout poil et ceux des scientifiques ?

Le rapport Stern, publié en 2006, a propulsé sur le devant de la scène une nouvelle catégorie d’acteurs savants, les économistes. Ces derniers n’avaient certes pas attendu la contribution du professeur britannique pour se pencher sur la question : des pionniers comme William Nordhaus et Martin Weitzman aux États-Unis ont continûment réfléchi au sujet depuis les années 1970, et une vaste littérature s’est développée au fl des ans. Mais Nicholas Stern a montré qu’on pouvait poser le problème dans des termes relativement simples : dans le fond, il s’agit de savoir quels investissements il convient d’entreprendre aujourd’hui pour éviter d’avoir à subir les coûts des changements climatiques à l’avenir. Son rapport se concluait en outre sur une note plutôt optimiste : tout compte fait, il suffirait de consacrer dès maintenant 1 % du PIB à la réduction des émissions pour empêcher des catastrophes environnementales futures.

Malgré l’écho du rapport Stern, de nombreux aspects de la réflexion économique demeurent encore largement ignorés du débat public. Ainsi en est-il de l’idée – de bon sens – selon laquelle le coût de la lutte contre le changement climatique ne pourra être contenu que si celle-ci est conduite avec les instruments les plus efficaces, c’est-à-dire ceux qui minimisent, à objectif donné, les coûts de réduction des émissions. Ces instruments ont un nom : taxe carbone, marché de permis à polluer. Or, à l’exception du récent débat sur la contribution climat-énergie, ils sont bien loin de recevoir en France l’attention qu’ils méritent, notamment par rapport aux innovations technologiques. Les hommes politiques rivalisent de bonne volonté en matière d’éoliennes, de panneaux photovoltaïques, de voitures électriques… Toutes intentions louables sur le papier, mais dont le coût par tonne de CO2 évitée est rarement évalué et parfois prohibitif. Nul mot, le plus souvent, des marchés de permis d’émissions, pourtant l’instrument sur lequel repose l’essentiel de la stratégie européenne ainsi que l’embryon d’action internationale depuis Kyoto ! Les technologies ont certes un rôle très important à jouer: les économistes, qui avaient historiquement traité le sujet avec un peu de légèreté, s’y intéressent d’ailleurs de plus en plus. Mais il n’en reste pas moins permis de s’étonner d’une telle déconnexion entre le débat savant et le débat public.

Ce numéro se propose donc de contribuer à mieux articuler la réflexion démocratique sur le changement climatique aux acquis scientifiques, en soulignant les apports de l’économie, mais aussi ses limites, qui sont réelles, ce qui, plus que jamais, nécessite de « croiser les regards » disciplinaires.

Les auteurs

La gestion des frontières extérieures de l’Union européenne – Gil Arias Fernandez

Remises migratoires et redistributivité – Isabelle Chort

Migrations et environnement : prévisions, enjeux, gouvernance – François Gemenne

Les enjeux de la politique française de développement solidaire – David Khoudour-Castéras

Peut-on compter le nombre de personnes qui entrent chaque année en France pour y vivre ? – Samuel Ménard

Territoires circulatoires et étapes urbaines des transmigrant(e)s – Alain Tarrius

Peut-on encore taxer les hauts revenus ? – Alain Trannoy

Peut-on compter le nombre de personnes qui entrent chaque année en France pour y vivre ? – Nicole Cadenel

Migrations des travailleurs pauvres : une vision mondiale – David de la Croix

Pourquoi migrer ? Le regard de la théorie économique – Flore Gubert

Remises migratoires et redistributivité – Sylvie Lambert

Quelles sont les conséquences de l’immigration dans les pays riches ? – El Mouhoub Mouhoud

Le « brain drain » et son incidence sur les pays en développement – Hillel Rapoport

Les migrations intra-européennes – Emmanuelle Taugourdeau

La géographie des migrations contemporaines – Catherine Wihtol de Wenden

Migrations et environnement : prévisions, enjeux, gouvernance – Agathe Cavicchioli

Les perspectives macroéconomiques d’une politique d’immigration active en France – Xavier Chojnicki

Migrations des travailleurs pauvres : une vision mondiale – Frédéric Docquier

Réflexions d’un non-économiste sur l’analyse économique des migrations – ­François Héran

Quelques pistes pour réformer la politique migratoire française – Sandrine Mazetier

Une histoire du modèle français d’immigration – Gérard Noiriel

Une histoire longue des migrations mondiales – Paul-André Rosenthal

Les origines nationales des immigrés arrivés récemment en France – Xavier Thierry