Toutes les études d’opinion montrent que le logement est au cœur des préoccupations des Français. C’est une rupture historique majeure : traditionnellement, le problème du logement ne se posait que pour les ménages pauvres. Au sortir de la deuxième guerre mondiale, les logements étaient certes globalement de mauvaise qualité, mais les loyers pesaient moins que le tabac dans le budget du Français moyen ! Aujourd’hui, même de très gros revenus du travail ne suffisent pas à acheter un appartement à Paris : pour être propriétaire, mieux vaut hériter. Comme dans le même temps les problèmes de logement des ménages précaires demeurent, que la ségrégation s’accroît, et que l’expansion périurbaine se heurte aux contraintes du développement durable, tous les ingrédients sont réunis pour qu’on puisse parler de crise du logement.
La première partie de ce numéro s’attache à dresser le constat rigoureux de cette crise dans toutes ses dimensions. Pour cela, elle fait appel, au-delà de l’économie, à toutes les sciences sociales : sociologie, ethnographie, histoire, géographie. Le constat est inquiétant : les Français semblent investir irrationnellement dans la pierre, feignant d’oublier les risques, alors même que les pays développés sortent tout juste d’une récession dont l’origine remonte au krach du marché immobilier américain. La bulle qui en résulte affecte durement les populations les plus fragiles, notamment les jeunes.
Que faire ? La suite du numéro se tourne vers l’analyse des politiques publiques. Le plus gros poste d’intervention de l’État en matière de logement concerne le soutien à la demande – que ce soit la demande des locataires, via les aides, ou celle des propriétaires, via des incitations fiscales. Malheureusement, ces politiques n’ont dans la plupart des cas pas de grande justification économique, ni guère d’efficacité probante. Les aides au logement sont davantage captées par les propriétaires – sous forme de hausse de loyers – qu’elles ne profitent aux locataires. Quant à la fiscalité, elle avantage outrageusement la rente immobilière, ce qui contribue à orienter de façon disproportionnée l’épargne des Français vers la pierre.
La troisième partie du numéro examine les politiques d’offre – c’est-à-dire destinées à accroître la construction de logements. Le constat est plus mitigé : dans le long terme, seule une offre vigoureuse est susceptible de faire diminuer les tensions sur le marché immobilier. Par ailleurs, seule une politique d’urbanisme concertée et à une échelle adaptée peut permettre de répondre aux défis du développement durable. Tout le problème est que ces actions prennent du temps, alors qu’il y a urgence.
Si les politiques de la demande ont des effets pervers et que l’offre ne peut pas être augmentée rapidement, comment faire pour sortir de la crise et permettre à chacun d’avoir un logement adapté à ses besoins ? La dernière partie de ce numéro explore une troisième voie : l’action en faveur d’une meilleure allocation des logements. Il y a beaucoup à faire : lutte contre les discriminations, meilleure attribution des HLM, soutien à la mobilité résidentielle… Autant de pistes qui contribueront, nous l’espérons, à alimenter le débat, et à progresser vers l’élaboration de solutions concrètes
Les auteurs
Politiques de mobilité résidentielle et de déségrégation : une analyse critique – Marie-Hélène Bacqué
Logement social : les quotas sont-ils utiles ? – Pierre-Henri Bono
Une lecture territoriale de la crise du logement en Île-de-France – Xavier Desjardins
Les aides personnelles au logement sont-elles efficaces ? – Gabrielle Fack
Une économie des bulles immobilières – François Geerolf
Comment attribuer les HLM ? – Anne Laferrère
Crédit immobilier : quels enseignements tirer de la crise des subprimes ? – François Ortalo-Magné
Faut-il encourager l’accession à la propriété ? – Clément Schaff
Logement social : les quotas sont-ils utiles ? – Alain Trannoy
Quelles perspectives pour les personnes privées de logement ? – René Ballain
Incitations fiscales à l’investissement locatif : succès quantitatif, ciblage imparfait – Jean Bosvieux
Les mutations en sourdine du financement du logement social – Jean-Claude Driant
Quelles perspectives pour le prix des logements après son envolée ? – Jacques Friggit
La ségrégation résidentielle : un facteur de chômage ? – Laurent Gobillon
À la recherche du locataire « idéal » : du droit aux pratiques en région parisienne – Etienne Lalé, Mirna Safi
Quelques interrogations sur les politiques publiques de développement durable – Vincent Renard
La ségrégation résidentielle : un facteur de chômage ? – Harris Selod
À la recherche du locataire « idéal » : du droit aux pratiques en région parisienne – François Bonnet, Etienne Wasmer
Le squat – Florence Bouillon
Politiques de la ville : bilan et (absence de) perspectives – Renaud Epstein
Politiques de mobilité résidentielle et de déségrégation : une analyse critique – Sylvie Fol
Doit-on et peut-on produire davantage de logements ? – Alain Jacquot
La ségrégation résidentielle : un facteur de chômage ? – Thierry Magnac
Pour une remise à plat de la fiscalité foncière et immobilière – Alain Trannoy